Représentations objectives de la réalité en un instant T, avec des normes qui s’inscrivent dans un langage codifié. La carte pour se repérer, s’orienter ou partir à la découverte d’un territoire. La carte une sorte de boussole pour «assurer» le déplacement et contribuer, tout autant,
à l’efficacité vers un but (itinéraire, temps, optimisation), qu’au vagabondage (tourisme, visites).
Chaque carte reprend, quelque soit le territoire qu’elle représente, un cheminement mille fois travaillé, mille fois emprunté et toujours à refaire. Mes cartes sont des textes visuels d’une exploration qui se déploie en fonction de ma vie, de mon expérience au monde. Pliée, fermée, elle se déplie, se découvre, s’étale au gré de celle.celui qui la contemple. Elle donne à voir sans rien dévoiler, elle raconte sans ébruiter. A chacun.e de vivre son propre chemin, sa propre expérience intérieure dans une invitation à oser.
J’explore le papier sous toutes ses formes. J’aime me confronter au contexte, profiter des espaces qui me sont offerts, des matériaux à disposition. Continuer à lâcher avec mes intentions premières pour improviser : cartons, papier de soie, papier bible, papier goudronné, papier de récupération, papier industriel. Découvrir les qualités et aléas de ces matériaux. M’amuser à des expériences, des recherches plastiques en roue libre, avec la joie enfantine d’inventer, de trouver des solutions, de me laisser surprendre… et de souffrir de déception.
Je tisse papier sur papier, toujours avec mes bandes de papiers colorés, récupérés auprès d’une école où je suis intervenue en 2020 pour la création d’une fresque monumentale.
Ce papier collecté et recyclé était support du travail préparatoire des enfants. Mon vocabulaire coloré est donc limité à celui qui a servi au projet d’école. C’est ainsi et c’est très bien.
J’aime l’accident du papier qui a déjà servi. Ses déchirures, les taches, la maladresse d’un geste. Je travaille souvent avec la main gauche acceptant ma «gaucherie» comme un espace supplémentaire de liberté.
En 2016, je pars en résidence en Bretagne, l’espace d’exposition est propice à l’installation. Je décide de créer de grands kakémonos. Je travaille avec la lumière, la transparence des matériaux, le mouvement, le recto-verso. J’utilise les papiers laissés par les autres résidents. Par la suspension j’introduis le mouvement, aléatoire selon le souffle ou volontaire en ajoutant un moteur qui met en rotation l’œuvre.
En 2017 je pars en résidence au Maroc pour un mois. Je poursuis mon travail de kakémonos, cette fois-ci sur carton – ce qui me permet des découpes – et d’investir le tissage. Je crée « les âmes tisserandes » pour le Musée Vivant d’Art Contemporain d’Aït Ben Haddou.
Je retourne en résidence au Maroc en juillet 2017. Les matériaux demandés font défaut, en revanche d’autres merveilles sont là et l’espace est propice avec son grand puits de lumière. Je crée 21 pièces utilisant toutes sortes de papiers : papier bible, papiers industriels, papiers enduits, kraft, papiers abrasifs. Certains permettent la découpe, d’autres doivent être maroufler mais offrent une transparence.
Cette résidence a pour sujet l’océan. Je mêle la mémoire de lieux souvenirs : « Port coton », « Cap Blanc», « Grand Yoff » et des thèmes symboliques : le voyage, l’attente, l’inconnu. Homère est présent tout du long.
Quand je choisis la toile, je travaille directement, sans études préalables. La toile devient support d’expériences. Ainsi une œuvre n’est jamais définitivement terminée, même si elle est exposée. Seule la vente lui donnera sa fonction d’éternité. Je photographie (parfois) les variations de l’oeuvre pour témoigner de ses différentes formes de vie. La plupart du temps, seule la vibration, l’épaisseur ou le collage qui transparaît, viendront témoigner de ce qui était là, avant.
Mes œuvres célèbrent le temps. Le temps qui passe, le temps de vivre pour ne pas oublier que viendra le temps de mourir.
Prenons le temps de contempler, le monde, l’humanité, la nature ou la beauté. Ce qui nous est proche, ce qui nous est étranger. Ce qui nous inspire, ce qui nous dérange.
Réunir des objets, certains me suivent depuis des années, d’autres se sont invités incidemment. Quelques petits bouts de papier qui gardent trace d’une moment oublié. Ils me touchent encore quand mon regard les enveloppe. Je ne sais pourtant plus à quel motif ils se rattachent. Collecter des travaux réalisés dans une autre vie qui racontent une quête, parfois aussi oubliée quant à sa teneur ou son objectif tangible. Reprendre des carnets sans les ouvrir, des dessins sans les regarder.
Depuis un « sentir » accentué par une actualité violente, observer mes supports de pensée qui témoignent d’une nécessité de raconter autrement le monde. Accepter de laisser faire mes mains, mon corps et de suivre un chemin, la tête dans le brouillard. C’est cela : accueillir le brouillard, le flou, l’inconnu, l’absence de cohérence, en supporter les désagréments, l’angoisse légère qui suit parfois. Suivre mes mains qui brodent ou peignent. Accueillir les mots qui se déposent. Garder cette attention vive, cette tension dans la posture pour ne pas perdre le fil.
Lorsque je descends ou je monte mon escalier, j’admire souvent, très souvent, l’ombre de mon arbre. En juin 2018, je décide d’immortaliser cette ombre changeante. Avec mon arbre et son double, une joyeuse connivence s’est installée. Il me surprend, m’étonne, me réjouit.
Le titre de cette série s’inspire de la chanson de Barbara : « mes hommes, mes hommes…. » Lui aussi il m’est fidèle, mon arbre, mon arbre…
Photographier des animaux morts, souvent écrasés : souris, rats, pigeons, moineaux…..
Les photographier pour observer cette rupture. Ils étaient vivants et tout soudain, ils sont morts. Les saisir me les rend paradoxalement plus vivants.
Livres d’artiste en collaboration avec Rebeca Legendre Mingo BF
Je rencontre Rebeca Mingo en 2016 à l’occasion d’une Résidence à Moncontour de Bretagne. Je lui confie un kakémono réalisé sur papier ciré, recto/verso. Ainsi naîtra en 2016, Elle&Lui. Crédit photo @ebecamingobf
Nous continuerons de collaborer en 2017 avec Comme une bouteille à la mer. Livre d’artiste réalisé à partir d’un texte que j’ai écrit et illustré par un tissage de papier. Crédit photo @marieedithrobinne